Seigneur, donne moi de cette eau, que je n'aie plus soif.
Jn 4, 15
Saint Jean, lorsqu'il relate l'épisode de la samaritaine au puits de Jacob (Jn 4, 4-42), ne nomme pas cette femme. Elle reste assez peu connue en occident. Aussi lorsque Maria Valtorta nous transmet ce dialogue : « Comment t'appelles-tu ? Fotinaï »143.3 cette information peut sembler insignifiante. Mais au soir même de la Cène, Jésus confie à ses apôtres : « Je pense à celle qui ne sera dévoilée que dans le Ciel et à Fotinaï… Elles m'ont trouvé et n'ont plus quitté mon chemin. À l'une j'ai indiqué le Père comme Dieu vrai et l'Esprit comme lévite dans cette adoration individuelle. À l'autre, qui ne savait même pas qu'elle avait un esprit, j'ai dit : Mon nom est Sauveur. Je sauve celui qui a bonne volonté de se sauver. Je suis Celui qui cherche ceux qui sont perdus pour leur donner la Vie, la Vérité et la Pureté. Qui me cherche me trouve. Et toutes deux ont trouvé Dieu… Je vous bénis. Êves faibles devenues plus fortes que Judith »600.25. Alors notre attention est en éveil. Peut-on retrouver trace de cette Fotinaï ailleurs que dans le texte de Maria Valtorta ? Ce sont les Grecs258 qui nous confirment son nom : Photina, ou Photine. Après le martyre des saints Pierre et Paul, sous la persécution de Néron, elle alla prêcher avec succès la foi à Carthage, en compagnie de son fils José (ou Joseph). Elle fut martyrisée avec ses deux fils et ses quatre sœurs (ou cousines). Son culte est attesté à Constantinople au 11ème siècle. Elle est fêtée le 20 mars par l'Église catholique259 et le 26 février par l'Église orthodoxe.
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Comme il est hors de question de passer en revue ici les sept ou huit centaines de personnages présents dans l'œuvre, je suis contraint de m'en arrêter là. Mais avant de clore ce chapitre consacré aux personnes ayant rencontré Jésus, voici une autre surprise pour le chercheur : c'est la façon pour le moins inattendue dont Maria Valtorta découvre, reconnaît ou oublie les personnages.
1/ "Découvre". Dans la très grande majorité des cas, la première rencontre avec un personnage passe inaperçue pour Maria. Elle décrit un passant, un malade, un enfant, tel qu'elle le voit intervenir dans une scène, mais sans pouvoir le nommer. C'est le plus souvent à la deuxième ou troisième occasion qu'elle le reconnaît et en apprend le nom. Elle nous le désigne alors. Voici par exemple un enfant rencontré à Capharnaüm « Le bambin s'échappe des bras de Jésus et court à la rencontre de sa mère »49.4. Plus tard, Maria Valtorta le revoit et se souvient : « un petit bambin... Un de ceux que j'ai vus dans les premières visions de Capharnaüm »60.7 mais il faut attendre encore quelques lignes pour entendre Jésus l'appeler « Jacques ». Le même jour Jésus guérit un bossu encore anonyme à ce moment là : « sauve-moi ! Guéris ton serviteur ! » « Je veux que tu sois guéri. L'homme se redresse agile et intègre »61.3. On le retrouve à Corozaïn la semaine suivante : « L'homme qui n'est autre que le pauvre bossu guéri et bien traité par Jésus »63.2. C'est son compagnon qui le nomme alors : « Mais est-ce bien toi Samuel ? »63.3. Vers la fin de la première année de vie publique, la notoriété de Jésus s'est étendue dans toute la région, et l'on vient de loin pour le supplier, comme cette pauvre mère : « Maître, une femme, celle qui pleurait, te demande. Elle dit qu'elle doit partir et qu'elle doit te parler »122.13. Elle ose enfin se confier à Jésus dans un long et pathétique monologue dont voici quelques extraits : « Maître… on dirait que tu as parlé pour moi. Tu as dit que dans toute maladie physique ou morale il y a Satan… J'ai un fils qui a le cœur malade... Il s'est fourvoyé avec de mauvais camarades et il est… il est exactement comme tu dis… voleur… Il aime les rixes… il veut dominer… Jeune comme il est, il se ruine en luxure et ripaille... Moi… moi, je suis la mère et je souffre à en mourir. C'est si douloureux pour une mère de dire : J'ai un fils cruel ! ». Et elle termine par cette indication anodine : « Je viens de la Haute Pérée pour te prier en sa faveur »122.13. Qui pourrait s'imaginer alors que ce détail insignifiant, ainsi que la promesse de Jésus : « Un jour je passerai dans la région de ton pays et toi, fière de ton garçon, tu viendras à ma rencontre avec lui »122.13 permet de retrouver ce fils, deux livres plus loin « un jeune dont j'ignore le nom »282.1 et qui déclare à Jésus « je t'ai cherché après le pardon de ma mère »" . Et c'est seulement encore plus loin que le nom de ce futur disciple plein de zèle est prononcé par le marchand Misace : « il est passé avec tes disciples, disciple lui aussi, et il t'attend à Arbela pour t'honorer avec son père et sa mère. Philippe de Jacob260, si jamais cette région devient sainte, il aura le mérite de l'avoir sanctifiée »292.4.
2/ "Reconnaît". Lorsque tel ou tel personnage, déjà rencontré dans une scène précédente, croise à nouveau la route du Seigneur, il arrive fréquemment que Maria Valtorta indique qu'elle le reconnaît, exactement de la même façon que cela arrive à quiconque dans la vie courante. Ceci ne saurait donc nous surprendre. Mais il y a pourtant dans l'œuvre quelques retrouvailles pour le moins étonnantes... Ainsi quand la patricienne Plautina apparaît pour la première fois dans l'œuvre dans un épisode écrit le 19/05/1945. Maria Valtorta fait cette remarque impossible pour un auteur qui rédigerait son ouvrage au jour le jour : « Plautina, nous la connaissons déjà »167.3. C'est qu'en effet, n'ayant pas reçu les visions dans leur ordre chronologique, elle reconnaît Plautina par des visions de la Passion qu'elle a reçues précédemment, comme par exemple celle du 10/02/1944, mais que le lecteur ne trouvera bien entendu qu'à la fin de l'œuvre601 ! Cette particularité, comme je l'ai déjà expliqué précédemment au chapitre consacré à la géographie, me paraît spécifique des visions de Maria Valtorta, et se renouvelle en de multiples occasions. Par exemple lorsque naviguant sur le lac, la barque de Pierre croise celle de Marie Madeleine au mois d'août 27, c'est la première rencontre avec Marie Madeleine dans l'œuvre. Pourtant Maria Valtorta la reconnaît immédiatement et le dit tout naturellement : « je vois que la Madeleine s'est dressée debout.(...) braquant ses yeux splendides sur le visage tranquille et lointain de Jésus »98.3. Car en effet elle lui est déjà apparue dans des visions reçues avant cette vision du 5/2/1945, mais que le lecteur ne découvrira là encore que de nombreuses pages plus loin !
Dans une vision du 31/6/1946 elle écrit : « une femme qui me paraît tout à fait celle appelée Nike qui essuya le visage de Jésus sur le Golgotha et en eut le Suaire. Mais ces femmes de Palestine se ressemblent beaucoup entre elles et, à quelques mois de cette vision, je pourrais me tromper »373.4, faisant allusion à une vision de la Passion , reçue le 26/03/1945, mais rapportée en fin de l'œuvre (au chapitre608.9). Le récit du sermon sur la Montagne réserve aussi ce genre de remarque déroutante. Alors qu'à cette date Jésus a déjà réuni à de nombreuses reprises le collège apostolique, Maria Valtorta écrit, dans une vision du 12/08/1944 : « Je vois Pierre et André, Jean et Jacques, et j'entends qu'on appelle les deux autres Nathanaël et Philippe »174.11. Or Jean, Jacques Pierre et André ont été vus 6 mois plus tôt, le 25/02/1944, tandis que la vision de la rencontre avec Nathanaël et Philippe n'a eu lieu que 2 mois plus tard, le 13/10/1944. Manifestement, en cette même journée du 12/08/1944, Maria Valtorta ne semble pas reconnaître Simon le zélote : « il y en a un autre qui est ou qui n'est pas dans le groupe. C'est peut-être le dernier arrivé : ils l'appellent Simon »174.11 Ce qui à y regarder de plus près est parfaitement logique, puisque la vision de la première rencontre de Jésus avec Simon a eu lieu le 26/10/1944. Dans une vision du 3 septembre 1946, Maria Valtorta reconnaît le visage de Nicolaï d'Antioche, mais semble avoir oublié son nom : « des visages nouveaux, tous inconnus, sauf celui fin du grec venu d'Antioche. Il parle avec les autres, peut-être des gentils comme lui »486.1. De même encore à Césarée Maritime, la "première fois" que Jésus rencontre Valéria, Maria Valtorta nous fait cette confidence : "La jeune romaine, si ce n'est pas une ressemblance fortuite, est une des romaines qui étaient avec Jeanne de Chouza sur le chemin du Calvaire. Comme personne n'a dit son nom, j'en suis incertaine »155.10 (vision du 5 mai 1945). En effet elle l'a vu dans des visions de la Passion reçues en 1944 et le 26/03/1945. Jésus nomme alors Valéria (chap. 608.), parmi sept autres disciples. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de multiplier ce genre d'exemples... Mais quel faussaire aurait été assez génial, méticuleux et quelque peu machiavélique pour brouiller de la sorte son ouvrage ? Il y a là, à n'en pas douter, un indice très fort de l'authenticité des révélations de Maria Valtorta.
3/ "Oublie". Je l'ai déjà dit, l'œuvre comporte plus de 750 personnages avec lesquels Jésus ou son entourage ont des dialogues plus ou moins fournis. On comprend donc aisément qu'au fil du temps Maria Valtorta avoue de plus en plus régulièrement reconnaître vaguement tel ou tel protagoniste mais en avoir oublié le nom ou les circonstances dans lesquelles elle l'a déjà vu. Lorsqu'à Sycaminon, Jésus rejoint de nombreux disciples, Maria Valtorta en nomme quelques uns puis ajoute : « et d'autres, d'autres, d'autres que je reconnais mais dont je ne me rappelle absolument pas l'endroit où je les ai vus ni leurs noms. Visages connus, et désormais il y en a tant, tous connus comme visages de disciples. Et puis d'autres, conquis par Isaac ou par les disciples eux-mêmes que je viens de nommer, qui suivent le groupe principal en espérant trouver Jésus »250.1. A partir de la troisième année de la vie publique, le phénomène s'amplifie : « il y a beaucoup de disciples ... parmi lesquels Etienne, Hermas, le prêtre Jean, et Jean le scribe et beaucoup d'autres. (Désormais, pour m'en souvenir, quel embrouillement! Ils sont si nombreux) »347.5. A Capharnaüm, au discours sur le Pain de Vie... « Parmi ceux qui sont restés, il y a les apôtres, le prêtre Jean et le scribe Jean, Etienne, Hermas, Timon, Hermastée, Agape, Joseph, Salomon, Abel de Bethléem de Galilée, et Abel le lépreux de Corozaïn avec son ami Samuel, Élie (celui qui renonça à ensevelir son père pour suivre Jésus), Philippe d'Arbela, Aser et Ismaël de Nazareth, et en plus d'autres dont je ne connais pas les noms »354.15. Plus loin, à la Pâque, sur le parvis du temple, elle constate ... « d'autres, d'autres que je connais de vue mais dont je ne puis dire exactement les noms »370.11. Et ainsi de suite jusqu'à la dernière rencontre avec les disciples sur le Thabor peu de temps avant l'Ascension : « les apôtres et les bergers forment un groupe nombreux avec Margziam, Manaën, Etienne, Nicolaï, Jean d'Éphèse, Hermas et quelques autres des disciples les plus fidèles dont je ne me rappelle pas les noms »634.1. Et lorsque Jésus appelle vers Lui l'un d'entre eux : « Viens, Élisée d'Engaddi. J'ai quelque chose à te dire ». Maria Valtorta avoue alors : « Je n'avais pas reconnu l'ancien lépreux, fils du vieil Abraham »634.13. Toutes ces "confidences" répétées portent en elles un fort indice de sincérité, et donc d'authenticité.