L'étonnant destin de Thusnelda la barbare
A différentes occasions, Maria Valtorta évoque aux côtés de la romaine Valéria la présence d'une étrange affranchie. « Le portail s'ouvre et Valéria, avec son esclave ou affranchie, est sur le point d'entrer... Valéria regarde les deux femmes enveloppées dans un manteau hébraïque très simple et qui descend très bas sur leurs visages et elle les prend pour des mendiantes. Elle commande : Barbara, donne l'obole ! »438.9. Un peu plus tard elle explique : « Mon affranchie Tusnilde, barbare deux fois, Seigneur, des forêts de Teutberg249. Une proie de ces avances imprudentes qui ont coûté tant de sang humain250. Mon père en a fait cadeau à ma mère, et elle me l'a donnée pour mes noces. De ses dieux aux nôtres et des nôtres à Toi, car elle fait ce que je fais. Elle est tellement bonne, dit Valeria à Jésus devant la synagogue des affranchies qu'elle fréquente désormais »534.1. Les épreuves de la Passion s'annonçant, Valeria l'envoie avec sa fille Faustina à Béther dans le château de son amie Jeanne de Chouza. Elle évoque une dernière fois son affranchie : « Je resterai ici avec Tusnilde. Je suis libre, je suis riche, je puis faire ce que je veux583.12 (…) J'enverrai Fausta avec Tusnilde à Béther, avant le temps fixé. Elles devaient y aller après la Fête »583.14. Or il se trouve que cette Tusnilde n'est pas une simple création romanesque, mais bel et bien un personnage historique. Voici à peu près ce que nous en dit l'historien Tacite251. En l'an 15, Germanicus fit des raids contre les Germains, il pilla leurs villages. Il réussit à capturer Thusnelda, la femme d'Arminius, qui lui fut livrée par son propre père, Ségestes, lequel voulait se venger d'Arminius. En effet, alors qu'il avait promis sa fille à quelqu'un d'autre, elle s'était enfuie avec Arminius et l'avait épousé après la victoire de Teutoburg. Ségestes et son clan étaient des alliés de Rome et s'opposaient à la politique d'Arminius, comme le faisait aussi d'ailleurs Flavus, le frère d'Arminius. Thusnelda fut emmenée à Rome pour y être exhibée à l'occasion du triomphe de Germanicus252; elle ne revit jamais sa patrie et disparut de l'Histoire. Tout ceci est confirmé par Strabon253 : « on vit le triomphateur (Germanicus) traîner à sa suite les personnages, hommes et femmes, les plus illustres de la nation des Chérusques : à savoir le chef Segimund, fils de Ségeste, avec son fils Thumelic, jeune enfant de trois ans, et sa soeur Thusnelda, femme d'Arminius ». Gaius Julius Caesar (dit Germanicus après sa victoire contre les germains) était fils de Drusus et le frère aîné de Claude. Nommé gouverneur de Syrie en l'an 17, il fut assassiné à Antioche en 19. Il est donc parfaitement plausible que Thusnelda, princesse esclave, ait dû le suivre à Antioche. A la mort de Germanicus, récupérée par un notable proche254 du gouverneur défunt, elle a pu se retrouver quelques années plus tard en Palestine, auprès de Valéria, la fille de ce notable. Quel auteur, à moins d'être inspiré, aurait pu imaginer de faire intervenir de façon aussi plausible cette Thusnelda, personnage historique assez peu connu ?