Troisième année de vie publique

Le retour à Jérusalem pour la Pentecôte

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La traversée de la plaine de Saron se fait sous la canicule en ce dimanche matin668. Judas, repris par ses démons, est à nouveau odieux avec ses compagnons, mais chacun s'efforce à sa façon de garder son calme. Quel contraste désormais entre les progrès accomplis par les onze vers la sainteté, et l'emprise progressive de Satan sur Judas ! Ils poursuivent leur marche sous une chaleur accablante. Le Seigneur ordonne la pause : « Tu vois cette maisonnette ? Allons-y car le soleil est trop fort. Ce soir nous reprendrons la marche. Il faut se hâter pour le retour à Jérusalem car la Pentecôte est toute proche ».

La suite du récit, bien qu'elle s'insère correctement ici, peut à nouveau surprendre par quelques aspects : c'est qu'elle provient d'une vision reçue en 1944, deux ans donc avant celles qui l'encadrent, datées de 1946. Ainsi Maria Valtorta ne semble pas encore connaître Barthélémy, quand elle écrit : « Un des plus âgés, qu'Il appelle Barthélemy669 »411.2. Et quand elle écrit : « Simon aussi est très âgé, et c'est lui qui se plaignait des rhumatismes »411.3, elle n'évoque peut-être pas, comme on pourrait le croire, une conversation du chapitre précédent (en MV 410.4 reçu le 5/4/1946), mais bien plutôt une autre occasion où Simon se plaint aussi de ses douleurs, (en MV 361.3, vision du 17/9/1944).

Mais revenons au récit proprement dit. Durant la pause, Jésus enseigne les apôtres, selon son habitude. Une fois de plus Il leur rappelle que « ce n'est pas en paroles, mais en actes, que l'on doit montrer sa reconnaissance670 »411.1. Aux paysans en train de moissonner, Il conseille simplement : « Rappelez-vous le précepte du Deutéronome »411.1. Cette parole semble sans doute énigmatique de nos jours. Mais alors, chacun comprenait bien que le rabbi Nazaréen leur conseillait de laisser quelques épis pour les glaneurs, selon le précepte du Deutéronome(Dt 24,19). Et Jésus d'ajouter : « Dieu bénit ceux qui sont généreux. Donner vaut mieux que recevoir parce que cela oblige Dieu qui est juste à donner une récompense plus copieuse à celui qui a eu pitié »411.1.Cette parole n'apparaît pas dans les évangiles. Mais saint Paul la cite comme venant du Christ : « Se rappeler les paroles du Seigneur, qui a dit Lui-même : "Il y a plus de bonheur à donner qu'à recevoir " »671. Joignant le geste à la parole, Jésus commence à glaner le long des champs, à l'intention d'une misérable petite vieille dont Il a pitié. Pour elle, Il réalise même un miracle discret, qui n'échappe pas à la vigilance de Jean : « Mais, Maître… Tu fais un miracle ? Il n'est pas possible que tu en trouves tant ! » « Chut ! C'est pour la petite mère… en pensant à la mienne et à la tienne »411.5.

Malgré leur marche forcée, et les raccourcis à travers les monts de Judée, le lundi 7 mai en fin de matinée ils n'ont pas encore atteint Jérusalem. « La marche continue, malgré la chaleur du milieu du jour »412.4 constate Maria Valtorta. Et c'est seulement le mardi matin que dès leur arrivée dans la ville Sainte, ils se rendent au Temple pour y prier. La venue de Jésus suscite quolibets et persiflages de la part des notables, mais de nombreux pèlerins s'approchent pour apporter leur soutien, et supplient le Maître de leur parler. « Comme l'argile est dans la main du potier, ainsi tu es, ô Israël, dans les mains de Dieu »413.3 déclare Jésus, commentant le prophète Jérémie672. Les gardes du Temple, envoyés par les scribes, tentent d'expulser Jésus. Mais le tumulte attire les soldats romains de l'Antonia. Leur officier s'informe « Par Mars invaincu673 ! Parlez, vous… » « Ils voulaient imposer silence au Rabbi Galiléen. Ils voulaient le chasser, peut-être le prendre… » « Au Galiléen ? Non licet. C'est dans la langue de Rome que je vous dis la parole du décollé674 (...) la Louve sait les mettre en pièces (...) Rome seule a le droit de juger675»413.3. Une fois le calme rétabli, le synhédriste Helchias676 entame un dialogue mielleux avec Jésus, à l'issue duquel il L'invite avec les apôtres à un banquet dans sa demeure. Une exégèse rigoureuse et impartiale de ce chapitre fournirait certainement plusieurs arguments en faveur de l'origine surnaturelle des visions de Maria Valtorta, tant il surabonde d'éléments que la mystique ne pouvait en aucun cas imaginer de sa propre initiative...

C'est donc chez Helchias ben Phiabi que se déroule le repas rapporté par Luc (Lc 11,37-53). L'hôte commence par tendre un piège pour empêcher Jésus et les siens de faire les ablutions rituelles : « Je te prie, Maître, d'entrer dans la salle du banquet pendant que je me retire un moment car je dois parler avec mes amis »414.2. Les scribes présents (en particulier Simon Boétos) assaillent Jésus de questions, réclamant hypocritement des signes qui prouveraient qu'Il est le Messie attendu. Jésus leur annonce que le signe suprême sera sa résurrection. « Ne blasphème pas, ô Galiléen, et ne mens pas ! » « Je ne fais que rendre honneur à Dieu et dire la vérité. Et avec Sophonie je te dis : "Attends-moi à ma résurrection"677 »414.3. Les questions pharisaïques se suivent, perfides, insidieuses. Mais Jésus ne se laisse pas impressionner et commence ses invectives, telles que l'évangéliste les a relatées. Sous la plume de Maria Valtorta, elles apparaissent encore plus percutantes. C'est seulement après le départ de Jésus et des apôtres que les pharisiens retrouvent à nouveau leur audace678 : « Il faut le poursuivre, le prendre en défaut, trouver des objets d'accusation ! Il faut le tuer ! »414.11.

Après tant de haine et tant de fatigues, Jésus va chercher un peu de réconfort à Béthanie où Il arrive en fin d'après-midi. Lazare et ses sœurs espèrent qu'Il va rester avec eux quelques jours. Mais désormais le Sauveur doit aller de villes en villes pour échapper à ses poursuivants. « La mesure de la haine pharisaïque est comble… et il n'y aura plus de trêve »415.2. Et à Marthe qui essaie de Le retenir, Jésus répond : « N'insiste pas, Marthe. L'aube ne sera pas encore arrivée qu'ils me chercheront ici, au Gethsémani, chez Jeanne, dans toute maison hospitalière. Mais, à l'aube, je serai déjà loin »415.4.

Notes de bas de page

668
Cinquante quatre kilomètres à vol d'oiseau séparent les terres de Joseph de Jérusalem. Ils n'ont pu marcher que quelques heures en soirée, puisque la lune n'est pas encore à son premier quartier. Il leur faut donc aussi marcher de jour pour atteindre Jérusalem à temps.

669
A la date de cette vision (27/09/1944), Maria Valtorta ne connaît pas encore Philippe, ni Barthélémy. La vision de leur première rencontre (MV 50.5) a eu lieu le 15/10/1944.

670
Ce précepte, déjà donné en MV 298.5, sera repris par saint Jacques (Jc 2,14-26).

671
Voir Actes 20,35. Voir aussi MV 547.2 et MV 596.17 sur le même sujet.

672
Voir Jérémie 18,4-12.

673
Mars Invictus :appellation peu répandue, mais attestée par un temple à Rome, et par quelques autres traces historiques (monnaies, stèles...). Encore une connaissance rare de Maria Valtorta !

674
Non licet: « Il ne t'est pas permis », c'est la parole du Baptiste à Hérode dont il fut question en MV 348.3.

675
La Louve, symbole de Rome, qui avait retiré le jus gladii(droit de vie ou de mort) au sanhédrin au moment de la déposition d'Archélaus par Coponius.

676
Il s'agit du pharisien et synhédriste Helchias ben Phiabi, connu des historiens, gardien du trésor du Temple et déjà entr'aperçu en MV 378.3.

677
Est-ce cela qu'il faut comprendre de Sophonie 3, 8, généralement traduit : « Attendez-moi au jour où je me lèverai en témoin (pour toujours) ! » ?

678
C'est aussi ce qui ressort à la fin du paragraphe de Luc (Lc 11,53) : « ...et les pharisiens se mirent à s'acharner contre Lui... »

📚 Source : L'énigme Valtorta par Jean-François LavèreTome 1Tome 2