L'Edit de recensement
Il y a trois grands événements dans l'histoire évangélique - la naissance, le commencement de la vie publique et la mort du Christ - qui sont liés entre eux par les textes sacrés, les apocryphes et la tradition. La datation de l'un interfère sur la datation des deux autres. Il existe un nombre incalculable de doctes dissertations sur ce sujet, depuis les premiers siècles jusqu'à nos jours. Elles conduiraient, en les considérant toutes, à situer la naissance de Jésus, entre l'an -7 et l'an +9 ! Maria Valtorta, elle, n'avance aucune date. Pourtant son récit comporte une masse d'indices chronologiques. Il y en a plus de cinq mille, indépendants entre eux pour beaucoup. Tous sont parfaitement cohérents et compatibles les uns avec les autres, ce qui du point de vue scientifique est statistiquement inexplicable171. Ils permettent de fixer, souvent au jour près, pratiquement tous les événements évangéliques172.
Voyons ce qu'il en est de l'Edit de recensement. Un indice est donné au livre 4, quelques jours avant les Encénies et le trente deuxième anniversaire de Jésus. Le Christ vient de rentrer à Nazareth, et Marie constate : « tu es arrivé juste pour l'anniversaire de notre départ pour Bethléem »303.3. Ailleurs, c'est Marie d'Alphée qui demande à la Vierge : « Mais pourtant... partir ainsi, au dernier moment ! Quelle imprudence ! Pourquoi n'avoir pas attendu ? Le décret prévoyait un délai pour des cas exceptionnels comme naissance ou maladie. Alphée le dit… »207.8, puis aussitôt elle se justifie d'un reproche que lui fait son fils Jude, d'avoir laissé partir Marie : « Ton père avait décidé de venir après les Encénies et il le dit à son frère, mais Joseph ne voulut pas attendre »207.8. Ces indications permettent de situer le départ de Joseph et Marie vers la mi-novembre -5. C'est donc que l'annonce du recensement arriva en Galilée durant la première quinzaine de novembre -5, au moment où Marie achevait son huitième mois de grossesse.
Un soir Joseph rentre préoccupé : « Ils ont affiché un édit sur la porte de la synagogue. C'est l'ordre de recensement de tous les Palestiniens. Il faut aller se faire inscrire au lieu d'origine. Pour nous, nous devons aller à Bethléem »27.2. Il apparaît que cette décision était tout à fait inattendue en Galilée. D'ailleurs, Marie elle-même le confirme lorsque, bien des années plus tard, Jésus revient avec les apôtres et les disciples sur le lieu de sa naissance. « Ce soir là, quand Joseph apporta la nouvelle, moi et Toi, Fils, nous avons tressailli de joie. C'était l'appel... parce que c'était ici, ici seulement que tu devais naître comme les Prophètes l'avaient dit. Et ce décret imprévu ce fut comme une pitié du Ciel pour éteindre chez Joseph jusqu'au souvenir de son soupçon »207.8.
Jésus était déjà passé l'année précédente à Bethléem, et il avait raconté à Jean, Judas et Simon le zélote les circonstances de sa naissance : « la Mère qui était déjà sur le point d'enfanter vint, sur l'ordre de César Auguste, sur l'avis du délégué impérial, Publius Sulpicius Quirinus, alors qu'était gouverneur de la Palestine Sentius Saturninus. L'avis ordonnait le recensement de tous les habitants de l'Empire »73.11. Cet énoncé apparait plus précis que celui de Luc (Lc 2,1-2)173, mais il ne le contredit en aucune façon. L'ordre de recensement de tout l'Empire, ne pouvait émaner que de l'empereur Auguste174. Le consul Publius Sulpicius Quirinius fut effectivement légat général d'Auguste, et à ce titre il dut superviser les opérations de recensement dans la province. Caius Sentius Saturninus était le gouverneur de Syrie, entre -8 et -6, quand fut décidé le recensement, mais aucun témoignage n'indique que ce premier recensement général fut achevé en moins de deux ans175 !
Quant au fait que les romains aient choisi l'automne et l'hiver pour l'effectuer, le simple bon sens permet de le justifier. Il était impensable d'imposer des déplacements de foules en Palestine, pendant la période des trois grands pèlerinages de Pessah (la Pâque), Chavouoth (fête des Semaines ou Pentecôte), et Soukkoth (fête des Tabernacles), puisqu'entre ces fêtes, la population était majoritairement immobilisée par les travaux des champs, et qu'au moment de ces fêtes, elle se rendait en masse à Jérusalem ! Le pragmatisme des dirigeants romains leur dictait d'éviter autant que possible les mesures coercitives aptes à susciter des révoltes prévisibles. Inutile de mettre de l'huile sur le feu dans une province si prompte aux embrasements.
On ne saurait non plus s'étonner de la nécessité pour Marie d'accompagner Joseph car, elle aussi, nous l'avons vu, était de descendance davidienne. D'après Denys d'Halicarnasse176 les femmes et les enfants n'étaient pas exclus des recensements. Et Lactance177, confirme que la présence des femmes et des enfants était exigée dans les provinces. Il précise même : « Ni l'âge ni la maladie ne servaient d'excuse ». Il aurait vraiment fallu être un insensé pour ne pas se soumettre au recensement178.