La visite chez la cousine Elisabeth
Saint Luc reste obscur quant à la ville où demeuraient Zacharie et Elisabeth : « Marie partit et se rendit en hâte vers la région montagneuse, vers une ville de Juda » écrit-il simplement. La tradition qui situe leur demeure à Aïn Karim n'est pas antérieure aux croisades147. G. Arvanitakis, par une lecture attentive de la carte de Madaba a démontré que « la tradition en faveur d'Aïn Karim n'a aucun fondement sérieux148 ». Selon Maria Valtorta les cousins de Marie habitaient Hébron, ville sacerdotale située à une trentaine de kilomètres au sud de Jérusalem, et ce fait semble aujourd'hui admis par beaucoup comme le plus plausible149. Il n'est toutefois pas exclu qu'après le massacre des innocents, Zacharie et Elisabeth aient pu aller habiter un temps à Aïn Karim. Marie d'Alphée ne dit-elle pas, évoquant le massacre puis la fuite en Égypte : « (Elizabeth et Zacharie) angoissés pour Jean, craignant de nouvelles atrocités, l'avaient caché et tremblaient pour lui »577.8. Et Jésus semble également le confirmer, juste avant sa Passion : « Jean (...) ayant passé sa vie dans le désert depuis son enfance... »592.19.
L'Évangile ne mentionne pas la présence de Joseph aux côtés de Marie lors de la Visitation, et le protévangile de Jacques n'en parle pas non plus. Pourtant quelques Pères (saint Basile, Origène...) et plusieurs mystiques150, ont imaginé Joseph accompagnant Marie jusque chez Zacharie et Elisabeth. Le récit de Maria Valtorta diffère de ce sentiment. Pour la mystique italienne, Joseph accompagne Marie jusqu'à Jérusalem, mais ne va pas plus loin. Il confie ensuite sa jeune fiancée à un « petit vieux », qui l'accompagne de Jérusalem à Hébron : « Cet homme va par le même chemin que toi. Tu auras très peu de chemin à faire seule pour arriver chez la parente. Aie confiance en lui, je le connais »20.1. Si Joseph avait été présent lors de l'arrivée à Hébron, il faudrait supposer qu'il n'ait pas entendu la salutation d'Elisabeth « béni le fruit de ton ventre », et qu'Elisabeth n'ait pas immédiatement associé à cette heureuse nouvelle Joseph, elle qui avait été témoin de son mariage avec sa jeune cousine, un an auparavant. L'absence de Joseph à Hébron s'avère donc plausible, sinon même probable.
Ayant quitté Joseph en fin de matinée à Jérusalem, « c'est vers le soir »21.1 que Marie atteint le but de son voyage, après six ou sept heures à dos d'âne, pour parcourir une trentaine de kilomètres. Samuel, le vieux serviteur qui accueille Marie lui confie : « Zacharie est revenu, il y a sept mois, muet, de Jérusalem »21.4. Cette information est confirmée par cette autre indication de Jésus, beaucoup plus loin dans l'œuvre : « le Baptiste (...) était au septième mois de sa formation et le germe d'homme, renfermé en son sein maternel, tressaillit de joie en entendant la voix de l'Épouse de Dieu »127.5. En se référant au calendrier hébraïque ceci signifie que Marie arriva à Hébron au cours du mois de Nisan, septième mois depuis Tishri. Mais nous savons aussi, par la dictée du 31 janvier 1947 que « Marie partit chez sa cousine pendant l'octave pascale, pour être auprès d'elle lorsque Zacharie s'absentera d'Hébron pour "se présenter devant la face du Seigneur à la fête des Azymes, comme tout mâle y est tenu"(Selon Deutéronome 16, 16)». En -5, la Pâque s'étant déroulée le samedi 23 mars, la Visitation eut donc lieu entre le 24 et le 30 mars -5151.
L'accueil et la salutation d'Elisabeth s'accordent bien sûr avec le récit évangélique. Un détail inédit attire notre attention : la confidence faite par Elisabeth à Zacharie. « Marie est mère, elle aussi. Réjouis-toi de son bonheur »21.6. Mais Elisabeth ne lui révèle cependant pas qu'il s'agit du Sauveur attendu. Marie va rester auprès de sa cousine pendant plusieurs mois, l'assistant dans les tâches ménagères et méditant avec elle sur l'avenir de leurs futurs bébés, à la lumière des Écritures. Les deux cousines s'interrogent aussi sur la façon de prévenir Joseph. « Comme je l'aimerai mon Enfant ! Mon Fils ! Joseph aussi l'aimera ! ». « Mais tu devras le lui dire à Joseph ! ». Marie s'assombrit et soupire. « Je devrais pourtant le lui dire… J'aurais voulu que le Ciel le lui fasse savoir car c'est très difficile d'en parler ». « Veux-tu que je lui en parle ? Que je le fasse venir pour la circoncision de Jean ? » « Non. J'ai remis à Dieu le soin de l'instruire de son heureux sort de nourricier du Fils de Dieu. Il s'en chargera. L'Esprit m'a dit ce soir : Tais-toi, laisse-Moi le soin, je te justifierai »22.8.