Le Protévangile

La naissance de Marie

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Comme bien souvent, Maria Valtorta commence son récit par une description minutieuse des lieux. Dans le jardin de Nazareth « depuis longtemps ce doit être la sécheresse (…) une haie d'aubépine sauvage déjà toute constellée des rubis de ses petits fruits (…) des pieds de vigne et des oliviers lourdement chargés... »5.1. La scène se déroule donc à Nazareth, par une soirée de fin d'été... Dès l'Antiquité quatre villages se disputèrent la gloire de la naissance de Marie : Séphoris, Nazareth, Bethléem et Jérusalem. L'apocryphe Évangile de la Nativité rapporte ceci de la Vierge Marie : In civitate Nazareth nata(« Elle naquit dans la cité de Nazareth56 »). Saint Fulbert de Chartres cite cette opinion et l'accepte. C'est aujourd'hui l'opinion la plus commune de l'Église romaine, tandis que la tradition orientale, suivant saint Jean Damascène, penche plutôt pour Jérusalem. Maria Valtorta ajoute que la naissance eut lieu pendant une soirée de septembre, ce qui ne saurait surprendre, puisque la tradition unanime de l'Église fixe la nativité de Marie au 8 septembre57, « Au moment où le soleil sort du Lion et entre dans la Vierge » précisaient jadis les Pères. La date exacte la plus communément retenue est le samedi 8 septembre -2158(julien). Jean-Chrysostome Trombelli (Mariae sanctissimae vita ac gesta, 1759)établit par une savante étude que la naissance de Marie eut lieu un jour de sabbat. (On peut souligner qu'entre l'an -22 et l'an -17, c'est seulement en l'année -21 que le 8 septembre tombe un samedi). Tout ceci va s'avérer déterminant, comme nous allons le voir bientôt.

Poursuivons le récit de Maria Valtorta. La naissance de la Vierge Marie est troublée par une « tempête qui est d'une extraordinaire violence »5.3. Puis tour à tour trois évènements surprennent les témoins présents ce soir là. D'abord « un gigantesque arc-en-ciel déploie son demi-cercle sur toute l'étendue du ciel. Il sort, ou du moins paraît sortir, de la cime de l'Hermon (...) survole les collines de la Galilée et de la plaine qui apparaît au sud (...) et semble poser son extrémité au bout de l'horizon, là où une chaîne de montagnes abruptes arrête totalement la vue »5.4. Ensuite un garçon59 s'étonne : « regardez, voilà une étoile alors que le soleil n'est pas encore disparu. Quelle étoile ! Elle brille comme un énorme diamant !… Et la lune, voilà. C'est la pleine lune alors qu'il manque encore trois jours pour y arriver... »5.4. Plus loin dans l'œuvre, Jésus fait cette confidence à propos de ses grands-parents : « À cause de leur sainteté Anne n'éprouva pas les souffrances de l'enfantement »9.5. Un peu de temps passe. Marie est née !

Voici donc quelques détails merveilleux qui semblent sortis tout droit d'une belle légende médiévale. Même sans faire preuve de scepticisme, il pourrait paraître légitime de ne leur accorder qu'une valeur poétique ou symbolique. Et pourtant, à l'analyse ils se révèlent vraiment remarquables... Prenons en effet pour acquise la date du 8 septembre -21, et examinons si les trois faits décrits ici sont compatibles avec cette date :

  1. Force est de constater que ce soir là, au moment du coucher du soleil, la planète Jupiter60 brillait sur l'horizon sud. Dans cette configuration, Jupiter est la première étoile visible en soirée, comme il est encore aisé de le vérifier de nos jours. (Comme j'ai pu le constater de visu à la mi-décembre 2011)

  2. De Nazareth si l'on tourne le dos au soleil couchant(azimut 278° ce soir là)pour pouvoir observer un arc-en-ciel, le mont Hermon est sur la gauche, le lac de Tibériade, la plaine et les collines de Galilée en face, et les monts Thabor et Gilboa à droite. Or les lois de l'optique nous enseignent que plus le soleil est proche de l'horizon, plus l'arc en ciel semble grand, phénomène encore amplifié par l'altitude de Nazareth (450 m) par rapport à la plaine environnante. Un arc double couvre alors un champ de 102° d'ouverture. Un simple rapporteur placé sur une carte de Palestine, (point zéro sur Nazareth et perpendiculairement à l'azimut 278°) permet de vérifier la plausibilité extraordinaire de cette description, qui serait fausse à toute autre heure du jour, et à toute autre époque de l'année !
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  3. D'après les témoins, il manquait trois jours pour la pleine lune. Or en septembre -21, astronomiquement la pleine lune eut lieu le mardi 11. Donc trois jours avant, ce fut le samedi 8 septembre, en parfaite compatibilité avec la date officielle établie depuis au moins quatorze siècles ! Comment Maria Valtorta aurait-elle pu imaginer de sa propre initiative un tel récit qui, sans mentionner la moindre date, confirme pourtant sans qu'il y paraisse la datation établie par la tradition depuis si longtemps ?
  4. Quant à l'accouchement sans douleur d'Anne, c'était l'opinion de saint Jean Damascène, de saint André de Crète, et d'autres Pères61, de plusieurs grands théologiens, et de saint Ildefonse62. Au 17e siècle, Jean Thomas de Saint-Cyrille écrivait : « Anne, l'heureuse épouse de Joachim, donnait le jour, sans douleur et sans confusion, à Celle qui devait être le Temple vivant du Dieu d'Israël63 ». Il semble pourtant improbable que Maria Valtorta ait pu avoir connaissance de ces informations quand elle reçut cette vision.

Notes de bas de page

56
Evangelium de Nativitate sanctae Mariae,ouvrage qui aurait pu être composé par Séleucus au 2e siècle, et dont on possède un manuscrit daté du 5e siècle. (voir aussi plus loin notes du paragraphe « Présentation de Marie au Temple ».

57
Voir Benoît XIV de Festis lIIc. IX n° 16. La date du 8 septembre fut officialisée au 7e siècle à Rome par Serge 1er, conformément à la tradition orientale attestée par un décret de l'empereur Maurice (582 - 602).

58
Par Baronius, le docteur Sepp et plusieurs autres éminents chercheurs (8 sept 733 de Rome).

59
Il faut attendre quelques chapitres pour apprendre (en MV 12.6) qu'il s'agit de Joseph, âgé alors de 18 ans (voir aussi MV 577.7).

60
Ce soir là : altitude 34° 12' et magnitude -2,28 selon les logiciels d'astronomie.

61
Rapporté par Charland, Madame Saincte Anne, p 136.

62
Saint Jean Eudes, L'enfance admirable de la Très Sainte Mère de Dieu, 1676 chap. 15 p 217-218.

63
Jean Thomas de Saint-Cyrille, Mater Honorificata Sancta Anna1657, p 330.

📚 Source : L'énigme Valtorta par Jean-François LavèreTome 1Tome 2