Trente deniers, le prix d'un agneau ordinaire
Dans L'évangile tel qu'il m'a été révélé, en matière de monnaies, il n'est pas seulement question de talents. Pratiquement toutes les monnaies en usage à l'époque y sont mentionnées, et à chaque fois la pertinence des informations pourrait rendre jaloux n'importe quel numismate amateur. Ainsi quand un épicurien commente ses dépenses pour une future orgie : « C'est vingt mille sesterces, ou si vous préférez, deux cents pièces d'or »425.4, cette conversion monétaire est exacte, puisque le sesterce valant un quart de denier, il en fallait effectivement cent pour faire un aureus. Le statère était l'équivalent grec de l'aureus romain. C'était donc en principe une pièce en or. Aussi, quand Maria Valtorta nous transmet ce dialogue entre Jésus et Pierre295, le lecteur peut être surpris d'entendre parler d'argent : « Simon de Jonas, va au rivage et jette, le plus loin que tu pourras, un filin muni d'un solide hameçon. Et dès que le poisson va mordre, tire à toi le filin. Ce sera un gros poisson. Sur la rive, ouvre-lui la bouche, tu y trouveras un statère. Prends-le. Rejoins ces deux et paie pour toi et pour Moi. (...) Pierre enlève l'hameçon de ses lèvres charnues, lui enfonce son gros doigt dans la gueule, et il en sort une grosse pièce d'argent une grosse pièce d'argent... "Hé ! envoyés du fisc ! Prenez ! Cela vaut quatre drachmes, n'est-ce pas ? Deux pour le Maître et deux pour moi" »351.4/6.
Quoi qu'il puisse y paraître, ces informations sont absolument exactes. Il existait en effet des statères d'argent qui correspondent à quatre drachmes (tétradrachme) ou à un sicle juif. Quant aux deniers, monnaie la plus courante dans l'empire romain, ils sont mentionnés plusieurs dizaines de fois dans l'œuvre, et toujours de façon crédible et cohérente. « Nous n'avions que vingt deniers entre Jacques et moi »48.7, déclare par exemple Jean à Pierre, au retour de Jérusalem. Les drachmes, de même valeur que les deniers, circulaient encore dans tout l'empire. Cette remarque de Pierre est donc tout à fait plausible : « ces 10 deniers et 7 drachmes que nous avons reçus pendant ces quatre jours, je n'y touche pas »64.1, de même que cette autre : « Pierre, as-tu de l'argent ? ». « Maître, j'ai quarante deniers... Quarante deniers et cinq didrachmes »109.11. Et quand Pierre vient de louer une barque à Ptolémaïs : « je vais te donner cent autres drachmes... Remarque pourtant que c'est à titre de garantie, et que tu me les rendras à mon retour »318.3. Cent deniers comme dépôt de garantie pour une barque, et « une pièce par jour jusqu'au retour »319.2 pour la surveiller au port, c'est vraiment plausible. Et que dire de cette protestation de Judas, quand il réclame le prix de sa trahison296 : « Trente deniers pour tuer un homme, et cet Homme ? Le prix d'un agneau ordinaire en ces jours de fête ?! »588.9. Les scribes justifient cette somme dérisoire : « le prix est fixé par les prophètes297 ! Oh ! une formalité ! Un symbole et rien de plus. Le reste viendra après » Et quel symbole ! Jésus, l'Agneau trahi pour le prix d'un agneau du sacrifice...