L'admission de Jude et de Simon
A peine admis comme disciple, Thomas se voit confier une mission : retrouver Simon le zélote, et l'accompagner durant les huit jours de sa purification rituelle278. De la part de Jésus, Thomas devra lui dire : « Quand tu seras totalement purifié (...) nous irons ensemble sur la route du fleuve au-delà de Doco et Ephraïm. Là, le Maître Jésus t'attend et m'attend »55.3. Cette mission confiée au dernier venu provoque une petite crise de jalousie de la part du bouillant Pierre. Un an plus tard, il s'en souviendra encore. « J'étais jaloux, moi aussi l'an dernier... Je n'aurais pas voulu quelqu'un en plus de nous six, les six premiers... »203.4, dira-t-il en apprenant que Judas jalouse deux nouveaux disciples : Jean d'Endor et le jeune Jabè (le futur Martial).
Le mercredi suivant, nous retrouvons Thomas et Simon au lieu de rendez-vous convenu. Jude s'est joint à eux, et il renseigne ses nouveaux compagnons sur les liens qui l'unissent à Jésus. « Depuis son retour à Nazareth, il a toujours été pour moi un bon compagnon. Toujours ensemble. Nous sommes du même âge, moi, un peu plus vieux. Et puis, j'étais le préféré de son père, frère de mon père. Et puis aussi sa Mère m'aimait bien. J'ai grandi plus avec Elle qu'avec ma mère279 » (...) « Nous sommes un peu divisés du moment où Lui s'est fait prophète. Cela n'a pas fait plaisir à mes parents... Mon père et les deux aînés. L'autre280 est hésitant… Mon père est très vieux, et je n'ai pas eu le cœur de le mécontenter »56.3.
Simon, qui, on l'apprend bientôt, a eu lui aussi des relations difficiles avec son père, soupire « Pourquoi les pères sont-ils alors pour nous des ennemis ? ». Dès leur rencontre, Jésus unit le cousin Jude à Simon le Zélote : « Simon, qui n'as pas eu de fils… Jude, qui perds ton père pour mon amour. Je vous unis dans un même sort ». Un accord parfait unira désormais les deux apôtres. Après la mort d'Alphée, Jude évoquera même cette affection pour le zélote, qu'il partage avec son frère Jacques : « dans une soirée bien triste pour nous, il nous a donné une affection de père et nous l'a gardée. Nous ne pouvons l'oublier. Pour nous il est "le père". Nous sommes pour lui des "fils" »304.4. Pourrait-on trouver une meilleure justification à la tradition qui unit Simon et Jude et que perpétue l'Église catholique en les fêtant ensemble le 28 octobre ?
Ce chapitre nous éclaire également sur les différents surnoms de Simon, cet apôtre si méconnu. Il raconte sa maladie de peau transmise par son père, et qui lui valut son surnom de « lépreux » : « Mon père… Oh ! je dois parler contre lui qui m'a coûté des larmes qui ne venaient pas du ciel ! Tu le vois, tu as vu quel cadeau il m'a fait ! »56.6. Puis il raconte : « On m'appelait "Zélote"281 à cause de la caste à laquelle j'appartenais et "Cananéen" à cause de ma mère. (...) J'ai du sang d'esclave. Mon père n'avait pas de fils de sa femme légitime, et il m'eut d'une esclave »56.6.
Quant au jovial Thomas, il ignore ce genre de soucis familiaux, et cela peut même justifier la bonne humeur qu'il affiche si souvent dans l'œuvre : « Mon Père m'a écouté et m'a compris. Il m'a béni en disant : si c'est bien "Lui", et tu t'en apercevras en le suivant, viens vers ton vieux père pour lui dire : "Viens ! Israël possède l'Attendu" »56.4.