La Pâque au soir du jeudi 14 nisan ?
En fin d'après midi, le mercredi 3 avril 30, Jésus quitte quelques heures les apôtres et les disciples en leur disant : « Demain, nous préparerons la Pâque et nous consommerons l'agneau »596.51. Aucun des interlocuteurs ne s'en étonne, et pour Maria Valtorta il ne fait aucun doute que la Pâque ait été célébrée par Jésus au soir du jeudi Saint, le 4 avril 30834. Mais lors de ses adieux à Lazare, Jésus avait commandé à son ami de rester à Béthanie : « Pour la Parascève tu me seras nécessaire ici », (pour accueillir les apôtres en fuite). Lazare proteste : « Oh ! mais à la Parascève on ne s'occupe que de la Pâque ! ». Lazare prévoyait donc de célébrer la Pâque le vendredi soir, au début du sabbat, comme en témoigne Jean (Jn 19,14). Beaucoup d'auteurs soulignent cette apparente contradiction entre la fête de Pâque du jeudi soir (début du vendredi)décrite par Matthieu ; Marc et Luc (Mt 26,17 ; Mc 14,12 et Lc 22,15) et la fête célébrée le vendredi soir (début du sabbat) selon Jean. La question fit débat dès les premiers siècles entre grecs et romains, et certains835 s'en servirent ensuite comme argument pour tenter de discréditer la valeur historique des évangiles. Ce serait faire injure à Notre-Seigneur que d'imaginer qu'Il n'ait pas fait la Pâque à la date légale, le soir du 14 nisan, avec ses apôtres, Lui qui affirma : « N'allez pas croire que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes : je ne suis pas venu abolir, mais accomplir »(Mt 5,17). Ce serait aussi faire injure à Matthieu et Jean, témoins oculaires, que d'affirmer que l'un d'eux se serait trompé. Bien évidemment, et contrairement aux apparences, il n'en est rien.
Pour les pharisiens du Sanhédrin (et surtout pour les prêtres), fêter la Pâque un vendredi présentait deux problèmes majeurs :
- L'obligation de faire la moisson de l'homer(la gerbe sacrée) au soir de la Pâque, le 15 nisan, aurait alors imposé aux prêtres de travailler un jour de sabbat, chose impensable pour eux en raison de leur application rigoriste du repos sabbatique !
- Le fait que cent quatre-vingt trois jours après la Pâque, c'est le 21 thisri, 7e jour de la fête des Tabernacles. Ce jour, appelé Hosanna rabba, ne peut avoir lieu le jour du sabbat, parce qu'il faudrait là encore violer le repos légal pour cueillir et porter les rameaux (la‘Arava) conformément au cérémonial de cette fête. Or si la Pâque est fêtée un vendredi, le 21 thisri tombe automatiquement un sabbat. D'où une seconde nécessité pour les célébrants pharisiens de reculer la Pâque d'un jour, pour eux qui ne toléraient même pas qu'on puisse guérir un malade le jour du sabbat.
La règle qui en résulta, dite règle de Badu836, fut officialisée au 4e siècle. Il est recevable qu'elle était déjà en vigueur parmi les judéens au temps du Christ. Mais Jésus et les siens, venant de Galilée, tout comme les juifs de la diaspora, pouvaient parfaitement s'en tenir au calendrier réel, et n'étaient pas tenus, même par les pharisiens, de translater la fête d'un jour ! Le texte de Maria Valtorta montre d'ailleurs clairement que les deux usages coexistaient alors837. Jean, qui avait ses entrées chez Hanne (Jn 18,15), n'ignorait sans doute pas cette règle tacite de reporter la fête d'un jour, pratiquée alors par les seuls pharisiens.