La comparution chez Anna et chez Caïphe
La comparution chez Anna n'est relatée que par saint Jean (Jn 18,13-24), qui résume l'essentiel de cet interrogatoire en quelques mots. Le compte-rendu de Maria Valtorta nous éclaire parfaitement sur la personnalité d'Anna qui, s'il n'était plus le Grand-Prêtre en titre, en avait gardé le prestige, au point que saint Jean lui-même semble faire la confusion (Jn 18,19). Frappé par le sbire, Jésus répond : « C'est à Anna que je parle. Le Pontife c'est Caïphe. Et je parle avec le respect dû au vieillard. Mais s'il te semble que j'ai mal parlé, montre-le-moi. Autrement pourquoi me frappes-tu ? »604.8. Il semble que ce soit cette dernière réplique de Jésus qui ait décidé Anna d'en référer à Caïphe, pour donner un semblant de légitimité à l'interrogatoire. Ils conduisent Jésus à Caïphe, et, en traversant une cour, Il aperçoit Jean et Pierre, mêlés à la foule. « Et ils doivent avoir un beau courage pour rester là »604.9, constate la voyante.
Finalement la décision est prise d'une convocation d'urgence du Sanhédrin867. Dès que la plupart des membres sont arrivés, le simulacre de procès commence(Mt 26,57-67 ; Mc 14,53-64 ; Lc 22,54 ; Jn 18,24). Ismaël ben Phiabi attaque le premier : « Dans ma maison, Lui a violé le sabbat. Dieu m'est témoin que je ne mens pas868 »604.11. Un autre869 accuse : « il avait fait de son repaire un lupanar, et pour comble avec des femmes païennes. Avec moi il y avait Sadoc, Collascebona et Nahum »604.11. Et les accusateurs défilent, tandis que Jésus garde le silence. Alors Gamaliel, usant de son autorité proteste : « Illégale est cette séance que nous tenons870. Lève-toi, Siméon, et partons (...) Je respecte les règles. Il n'est pas permis de procéder comme nous procédons, et j'en ferai une accusation publique »604.11. Il quitte la séance, bientôt suivi de Joseph d'Arimathie qui menace d'en référer à Pilate : « Et de ce pas je vais dire au Préteur qu'ici on tue sans respect pour Rome »604.12. Puis son ami Nicodème sort également. Viennent les deux témoins qu'exigeait la loi871 : « Il évoquait les morts. Il enseignait la rébellion pour le sabbat et la profanation pour l'autel. Nous le jurons. Il disait qu'il voulait détruire le Temple pour le reconstruire en trois jours »604.13. Jésus ne répond à aucune de ces accusations, et Caïphe s'emporte : « Réponds à moi, alors. Je suis ton Pontife. Au nom du Dieu vivant, je t'en conjure. Dis-moi : es-tu le Christ, le Fils de Dieu ? ». « Tu l'as dit. Je le suis. Et vous verrez le Fils de l'homme, assis à la droite de la puissance du Père, venir sur les nuées du ciel. Du reste, pourquoi m'interroges-tu ? J'ai parlé en public pendant trois ans. Je n'ai rien dit de caché. Interroge ceux qui m'ont entendu. Ils te diront ce que j'ai dit et ce que j'ai fait »604.14. Un garde le frappe. Le geste est identique, et les circonstances sont pratiquement les mêmes que chez Anna. Saint Jean (Jn 18,22-23) a témoigné de ce qu'il a vu chez Anna, et les synoptiques (Mt 26,67-68; Mc 14,65; Lc 22,63-65) de ce qui s'est passé chez Caïphe.
Caïphe abandonne Jésus aux mains des sbires qui l'insultent, le frappent et le couvrent de crachats. « Les heures passent ainsi, et les bourreaux fatigués songent à prendre un peu de repos. Ils mènent Jésus dans un débarras872 en Lui faisant traverser de nombreuses cours »604.15. Lorsque quelques heures plus tard, peu avant l'aube, « un ordre est donné : ramener le Prisonnier dans la salle du Conseil pour un procès plus légal873 »604.15. C'est exactement au moment où Jésus traverse la cour que Pierre nie pour la troisième fois (Mt 26,69-75 ; Mc 14,66-72 ; Lc 22,55-62; Jn 18,25-27). Un coq chante ; au même instant Pierre croise le regard de Jésus. Alors l'apôtre « fait entendre un sanglot et il sort en titubant comme s'il était ivre »604.15. Au point du jour, ce deuxième passage dans la salle du conseil est donc une pure formalité pharisaïque. Ayant confirmé officiellement leur sentence, il leur faut alors en référer à l'autorité romaine (Mt 27,1-2 ; Mc 15,1-2 ; Lc 22,66-65, 23-1 ; Jn 18,28). Mais sans doute est-il encore trop tôt pour présenter le Prisonnier devant Pilate. Maria Valtorta observe le long détours à travers la cité : « je comprends que le tour inutile qu'on a fait faire au Condamné pour en faire un objet de moquerie pour toute la ville et permettre à tout le monde de l'insulter, en augmentant à chaque pas ceux qui l'insultent, va se fermer en revenant au point de départ »604.17. A l'approche de l'Antonia, les soldats romains interviennent. « Cet homme ? Cette sédition ? Vous en répondrez à Rome » dit avec hauteur un centurion. « Il est passible de mort selon notre loi ». « Et depuis quand vous a-t-on rendu le jus gladii et sanguinis874 ? »604.20.
Plus loin dans son récit, Maria Valtorta nous apprend que c'est pendant ce parcours de Jésus dans la ville que Judas qui a erré toute la nuit revient au Temple, « ensanglanté, dépeigné, enflammé par le délire »605.8. Il jette l'argent de sa trahison aux pieds des synhédristes qui n'ont pas encore quitté les lieux. « Votre argent, maudits, je n'en veux pas, crie-t-il debout au milieu de la salle, à l'endroit où était avant Jésus »605.8(Mt 27, 35). Plus tard, par deux fois encore, ses divagations vont lui faire croiser la route du Sauveur sur le chemin menant chez Hérode. Il s'enfuit, courre ça et là comme un fou dans la campagne et de désespoir il va se pendre, à l'heure où sur le Golgotha se dresse la Croix du Christ. Et pour ceux qui tendraient à minimiser la faute de Judas, Jésus affirme : « de tous les pécheurs et de tous les damnés il est le plus damné et le plus pécheur »605.14.