Le sabbat avant la Résurrection
Le temps passe encore, et Marthe, avec son esprit pragmatique, s'interroge : « Comment ferons-nous pour les onguents ? »612.21. « Il faudrait que tout soit prêt pour l'aurore du premier jour après le sabbat »612.21, renchérit Marie d'Alphée. Heureusement, Marie-Madeleine sait que dans le palais de Lazare, elle trouvera les aromates nécessaires. Elle décide d'y aller seule, malgré les désapprobations de ses compagnes, qui jugent trop dangereux de sortir maintenant. Sa détermination galvanise Jean, qui lui aussi décide de partir à la recherche des apôtres. Sa mère tente en vain de le retenir : « C'est le sabbat… tu ne peux pas… » Mais Jean lui rétorque : « Le sabbat est mort. Je le dis, moi aussi, avec Joseph. L'ère nouvelle est commencée avec, en elle, d'autres lois, d'autres sacrifices et d'autres cérémonies »612.23. Quand Marie-Madeleine revient, elle est triomphante : « Voici des huiles de toutes espèces, et du nard, et de l'oliban, et du benjoin ». (...) « en attendant nous mélangerons celles-ci et demain nous prendrons… oh ! en payant, Isaac les donnera même le jour du sabbat… Nous prendrons de la myrrhe et de l'aloès »612.24. Jeanne de Chouza, un peu remise de son malaise, a elle aussi donné des aromates, et elle reviendra dans la matinée.
Vient ensuite Valéria, qui apporte au nom des romaines de l'encens et des résines précieuses : « Nous connaissons vos usages et nous voulons que les baumes de Rome aussi soient répandus sur le Triomphateur »612.27 dit-elle simplement avant de repartir dans l'aube naissante. Les portes de Jérusalem vont être ouvertes, et Jean sort donc sans tarder « sourd aux supplications maternelles »614.1. A peine est-il sorti que voici Manaën. Il vient saluer Marie et proposer son aide. Blessé lors de sa charge héroïque près du Xyste, il a du aller soigner son bras chez Nicodème. Après avoir adoré le visage du Rédempteur imprimé sur le voile de Nike, il part prendre des nouvelles des uns et des autres chez Lazare. A lui aussi peu importe de déroger désormais au précepte sabbatique. Peu après son départ, c'est le berger Isaac qui vient saluer Marie, au nom de tous ses compagnons. Présents au Calvaire, ils ont du s'éloigner pour raccompagner Nike, Jeanne et les autres femmes disciples. Maintenant presque tous les disciples se sont regroupés à Béthanie. « Et Simon Pierre ? Et Judas de Kériot ? Et Thomas et Philippe ? » « Je ne sais pas Mère… Lazare m'a envoyé voir car on lui avait dit qu'ils… vous avaient tués ». « Va tout de suite alors le tranquilliser. J'ai déjà envoyé Manaën »614.6. Une certaine confusion règne encore, et personne ne sait ce que sont devenus les galiléens qui accompagnaient les cousins Joseph et Simon. Marie d'Alphée, Suzanne et Marie Salomé restent inquiètes.
Nouvelle visite : c'est Longin. Il apporte le fer de la lance, ayant appris par Joseph d'Arimathie le désir de Marie. C'est seulement vers midi que Jean revient. Il annonce la pendaison de Judas, puis repart aussitôt à la recherche de Pierre. La journée s'écoule lentement, entrecoupée de visites nombreuses. Ce sont d'abord Chouza et Jeanne, puis Joseph et Nicodème, suivis plus tard par Zébédée, Simon et le mari de Suzanne. Puis survient le cousin Joseph, rongé par le remord et la crainte de ne pouvoir être pardonné de sa trop longue incrédulité. La Vierge Marie, malgré sa fatigue et son immense chagrin les réconforte tous, elle qui aurait tant besoin de réconfort en ces heures terribles. Une nouvelle nuit commence, lorsque Jean revient enfin avec Pierre complètement anéanti, et pleurant sans retenue.
Les évangélistes ont gardé le silence sur le retour de Pierre après son reniement. Ils ont d'ailleurs jeté un voile pudique sur le comportement des uns et des autres durant ces trois jours terribles. Tout ce que nous en dit Maria Valtorta est cohérent avec la psychologie de chacun, et rien ne semble devoir nous faire douter de son témoignage. D'ailleurs j'ai déjà souligné que son récit présente quelques analogies avec les Méditations sur la Vie de Jésus-Christ de Saint Bonaventure. Ce saint docteur de l'Église écrit : « Pierre entra donc couvert de confusion, sanglotant amèrement et versant des larmes. Alors tous recommencèrent à pleurer ». Puis il nous montre la Vierge Marie réconfortant les uns et les autres : « Le bon Maître, le Pasteur fidèle s'est séparé de nous, et nous sommes demeurés comme des orphelins. Mais j'ai l'espérance assurée que nous le reverrons bientôt. Vous savez que mon Fils est bon et qu'il vous aimait tendrement. N'ayez donc aucun doute qu'il ne vous réconcilie avec lui, et qu'il ne vous pardonne volontiers tout ce que vous pouvez avoir commis d'offenses ou de fautes envers lui. Par la permission de son Père, la fureur déchaînée contre lui a été si terrible et l'audace des méchants a tellement prévalu que vous n'eussiez pu lui être d'aucun secours, même en demeurant avec lui. Ainsi ne vous troublez donc pas911 ».
« Et la nuit du Samedi Saint passe ainsi, jusqu'au moment où le chant du coq, à la première clarté de l'aube, fait lever Pierre avec un cri et son cri apeuré et douloureux réveille les autres dormeurs »615.12.